Jeddane L., Ailal F.
Unité d’Immunologie Clinique, Service des Maladies Infectieuses Pédiatriques. Hôpital A. Harouchi, CHU Ibn Rochd, Casablanca. Maroc
Les transducteurs de signal et activateurs de transcription (Signal Transducers and Activators of Transcription STATs) sont une superfamille de protéines qui jouent un rôle essential dans le développement, la prolifération et la défense immunitaire. Le premier décrit en 1989, STAT1, est un facteur de transcription clé médiant la signalisation des interférons (IFN)-α/β [1]. Il est également impliqué dans les voies de signalisation de l’IFN-γ et d’autres cytokines [1]. Des mutations dans ce gène résultent en quatre phénotypes cliniques différents: un déficit autosomique récessif (AR) complet ou partiel aboutit à une susceptibilité aux bactéries intra-macrophagiques et aux maladies virales, une mutation autosomique dominante (AD) perte-de-fonction expose aux infections mycobactériennes et un gain-de-fonction AD est caractérisé par des candidoses et une auto-immunité [2]. Dans cette mini-revue, nous survolerons l’épidémiologie, la pathogénèse de ce déficit et les principales manifestations cliniques des quatre phénotypes.
STAT1 est activé par phosphorylation des résidus tyrosine. Sa structure est similaire aux autres STATs, avec un domaine N-terminal, un domaine superhélice (CC), un domaine de liaison à l’ADN (DBD), un domaine d’homologie à Src (SH2, un résidu tyrosine qui est phophorylé en réponse aux cytokines et un domaine C-terminal qui facilite l’induction transcriptionelle. Quand l’IFN se lie à son récepteur membranaire, les kinases Janus (JAKs) associées aux sous-unités du récepteur sont activées et phosphoryle le récepteur aux niveaux de résidus spécifiques. Via son domaine SH2, STAT1 est recruté à proximité des JAKs. La phosphorylation de la tyrosine de STAT1 par les JAKs promeut sa capacité à lier de l’ADN-cible. En effet, le STAT1 phosphorylé peut former des homodimères, des hétérodimères ou des multimères, qui sont transloqués jusqu’au noyau, où ils lient des “boîtes’’ génétiques conservées pour activer ou moduler des gènes-cibles spécifiques [1]. L’accumulation de STAT1 dans le noyau a été observée dans les minutes qui suivent l’ajout d’IFN-γ [1]. STAT1 est alors déphosphorylé dans le noyau et exporté dans le cytoplasme, dans les heures suivant l’activation par l’IFN (Figure 1).
![Figure 1. Voie de signalisation et de recyclage de STAT1 après stimulation par l’interféron [d’après Boisson-Dupuis et al., 2012]](/images/stories/minireview/stat1_fig1fr2.jpg)
Des souris knockout (KO) pour STAT1 ont été générées en 1996, montrant une faible expression des T régulateurs CD4+ CD25+, une faible réponse aux IFN- α/β et IFN- γ, et donc une forte susceptibilité à la plupart des virus, des bactéries intracellulaires et certains parasites. Cependant, les mutations de STAT1 chez l’Homme ne sont décrites que depuis 2001. Le premier défaut de STAT1 décrit chez l’Homme était une perte-de-fonction (LOF) AD, décrite chez des patients présentant une susceptibilité mendélienne aux mycobactéries (MSMD) [2]. Contrairement aux souris KO, ces patients n’étaient susceptibles qu’à un spectre restreint d’infections, car seule la réponse à l’IFN-γ et à l’IL-27 était déficiente. Dix-huit patients ont été rapportés depuis 2001, dont deux au Maroc (données non publiées). Toutes les mutations dominantes-négatives étaient faux-sens, affectant le DBD, le SH2, voire le résidu Tyrosine 701 lui-même, toutefois elles présentaient une pénétrance incomplète, car certains parents des cas index génétiquement porteurs sont restés cliniquement sains [2]. Comparé aux autres defaults génétiques des MSMD, les patients STAT1 AD LOF ne présentaient pas de susceptibilité aux Salmonella, ni d’infection par le M. tuberculosis [3]. Cependant, comme les déficits partiels de l’IFN-γR1, certains patient ont présenté une ostéomyélite multifocale [3].
Le déficit AR complet en STAT1 est caractérisé par un large spectre de susceptibilité aux bactéries intracellulaires (principalement les mycobactéries) et aux infections virales (typiquement des virus herpétiques). Six patients ont été décrits depuis 2003 [2]. Les patients connus portaient deux mutations bialléliques LOF, aboutissant à une absence complète de la protéine wild-type, et ne répondaient pas à l’IFN-α, l’IFN-γ et l’IL-27 [2]. Ce déficit complet s’est révélé létal, et 4 des 6 patients sont décédés à un âge précoce en l’absence d’une greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH), un autre est décédé au cours de la greffe. Le dernier patient était encore vivant un an après la greffe de CSH [2].
Au contraire du déficit complet, le déficit partiel AR en STAT1 est dû à des mutations hypomorphiques et n’est pas létal. Cinq patients, issus de 3 familles non apparentées, ont été rapportés depuis 2009 [2]. Ils portent des mutations bialléliques faux-sens, aboutissant à une production réduite de STAT1 (10-25% du taux normal). Trois des 4 mutations décrites étaient des mutations du site d’épissage, expliquant la nature partielle du déficit [2]. Les patients présentaient des infections plus modérées par des bactéries intramacrophagiques (Salmonella, M. Avium, BCG) et des virus (typiquement virus herpétiques). Cependant, ces infections étaient gérables par traitement antibactérien et antiviral. Un patient est décédé à l’âge de 3 ans, dans le cadre d’une infection mycobactérienne disséminée. Les autres patients allaient bien à l’adolescence [2].
Le dernier défaut de STAT1 à être décrit est aussi le plus fréquent. Depuis 2011, 114 patients ont été rapports, dont 4 au Maroc (non publiés), avec un gain-de-fonction (GOF) AD [2, 4-6]. Ces patients sont caractérisés par des candidoses mucocutanées chroniques (CMC) et une auto-immunité [2]. Ils portent des mutations faux-sens affectant les domaines CCD ou DBD de STAT1, conduisant à un gain-de-phosphorylation (réponse aux cytokines 2 à 3 fois plus importante)généralement associé à un défaut de déphosphorylation nucléaire [2]. L’ auto-immunité a été expliquée par une augmentation de la réponse cellulaire à l’IFN-α/β, et la CMC par un déficit profond en lymphocytes T produisant l’IL-17, du fait soit d’une réponse excessive aux inhibiteurs de ces lymphocytes, soit à une diversion de la voie STAT3. La pénétrance clinique semble être complète [2]. Des mutations AD GOF de STAT1 ont également été décrites chez des patients APECED et IPEX-like [5].

En conclusion, les mutations de STAT1 aboutissent à divers phenotypes cliniques et doivent être considérées devant toute susceptibilité aux mycobactéries, associées ou non à des infections virales sévères, ainsi que devant une candidose mucocutanée chronique avec auto-immunité.
Références
- Reich NC. STATs get their move on. JAK-STAT 2013; 2(4):e27080.
- Boisson-Dupuis S, Kong XF, Okada S, Cypowij S, Puel A, Abel L, Casanova JL. Inborn errors of human STAT1: allelic heterogeneity governs the diversity of immunological and infectious phenotypes. Curr Opin Immunol.2012; 24(4):364-378.
- Hirata O, Okada S, Tsumura M, Kagawa R, Miki M, Kawaguchi H, et al. Heterozygosity for the Y701C STAT1 mutation in a multiplex kindred with multifocal osteomyelitis. Haematologica. 2013;98(10):1641-9.
- Soltész B, Tóth B, Shabashova N, Bondarenko A, Okada S, Cypowyj S, et al. New and recurrent gain-of-function STAT1 mutations in patients with chronic mucocutaneous candidiasis from Eastern and Central Europe. J Med Genet. 2013;50(9):567-78.
- Uzel G, Sampaio EP, Lawrence MG, Hsu AP, Hackett M, Dorsey MJ, et al. Dominant gain-of-function STAT1 mutations in FOXP3 wild-type immune dysregulation-polyendocrinopathy-enteropathy-X-linked-like syndrome. J Allergy Clin Immunol. 2013 Jun;131(6):1611-23.
- Sampaio EP, Hsu AP, Pechacek J, Bax HI, Dias DL, Paulson ML, et al. Signal transducer and activator of transcription 1 (STAT1) gain-of-function mutations and disseminated coccidioidomycosis and histoplasmosis. J Allergy Clin Immunol. 2013 Jun;131(6):1624-34.























